L’intelligence artificielle s’impose aujourd’hui comme un levier stratégique pour optimiser les processus financiers, améliorer la gestion de la trésorerie et renforcer la prise de décision au sein des directions financières.
Dans un contexte post-crise marqué par la pression sur les taux, la digitalisation des fonctions comptables et la recherche de performance opérationnelle, l’IA permet aux DAF, aux responsables achats et aux équipes comptables de gagner en efficacité, de réduire les erreurs, et de tirer parti d’un traitement automatique des données à grande échelle.
Extrait des échanges tenus lors de la table ronde « L’IA, nouveau gourou de la finance ? » lors du MK/IA organisé par Maddyness le 29 avril dernier et animée par Aurélie Pasquier. Avec la participation de :
- Claire Calméjane (Présidente France chez Foundever)
- Benoît Peloille (Chief Investment Officer chez Natixis Wealth Management)
- Pierre-Antoine Dusoulier (CEO de iBanFirst).
Comment l’IA est-elle utilisée dans la finance ?
Une analyse des risques plus fine grâce à la donnée non structurée
L’intelligence artificielle permet d’ingérer des volumes massifs de données non structurées (rapports PDF, documents internes, images, etc.), auparavant peu exploitées. Claire Calméjane explique que cela permet de transformer en profondeur le fonctionnement des banques, en s’attaquant notamment à leur modèle de gestion des risques.
En automatisant la collecte et l’analyse de ces données, l’IA permet une évaluation plus précise et plus rapide du risque. Cette capacité à analyser des informations complexes permet une meilleure prise en compte des paramètres de conformité réglementaire et améliore la qualité des décisions stratégiques.
❝ On a informatisé, on a digitalisé les interactions client, mais on n’est pas rentré dans le cœur du réacteur : le modèle de gestion des risques reste encore très papier et non structuré. Alors que c’est un game changer.❞
Il reste toutefois encore beaucoup à faire : nous ne sommes qu’au début de cette nouvelle ère de transformation, où l’IA commence à peine à révéler son plein potentiel pour refondre les processus clés du secteur financier.
Des outils conversationnels pour fluidifier les processus internes
Les chatbots, copilotes ou assistants intelligents basés sur l’IA sont devenus des ressources incontournables dans les services administratifs, les centres comptables ou les directions financières. Ces outils facilitent l’intégration d’informations complexes, réduisent les erreurs, automatisent les opérations courantes, détectent des anomalies, optimisent la gestion des transactions et renforcent la conformité. Leur utilisation dans des systèmes ERP ou des applications métiers permet d’augmenter l’efficacité à grande échelle.
Un soutien à la décision pour les analystes et les fonctions commerciales
L’IA est également utilisée pour prédire les tendances à partir de signaux faibles, grâce à des modèles statistiques entraînés sur des données historiques et contextuelles.
En se basant sur l’apprentissage automatique elle offre des insights pertinents, une précision accrue, et une aide à la décision stratégique pour les responsables.
Cette amélioration de la performance ouvre la voie à une réorganisation plus globale des processus métiers, que ce soit dans les services financiers ou les autres fonctions support.
Quels problèmes l’IA peut-elle résoudre dans la finance ?
Une réponse à la crise de productivité post-taux zéro
Le secteur financier a connu une décennie marquée par des taux d’intérêt historiquement bas, un ralentissement économique, une baisse des marges et une pression accrue sur les coûts. Cela a poussé les entreprises à rechercher de nouveaux leviers de performance. L’IA, en offrant des applications pratiques dans l’analyse des dépenses, la gestion de la supply chain, les prévisions de trésorerie ou la planification des flux, permet de tirer parti d’une meilleure productivité.
Ce constat illustre à quel point les technologies d’intelligence artificielle s’inscrivent désormais au cœur des stratégies de transformation du secteur financier, mais aussi de l’économie d’un pays d’un point de vue plus global.
À ce titre, les États-Unis offrent un exemple éclairant : l’adoption massive de l’IA dans les entreprises américaines, notamment depuis la crise du COVID, a déjà permis d’observer un gain de productivité, preuve que l’intégration technologique à grande échelle peut redynamiser durablement une économie.
Diminuer la complexité opérationnelle des systèmes hérités
Les systèmes informatiques rigides, hétérogènes et cloisonnés freinent la modernisation. Grâce à l’intégration de solutions IA les organisations peuvent automatiser le traitement des factures, fiabiliser la comptabilité, faciliter les processus d’achat, et améliorer l’expérience utilisateur. Ces outils intelligents permettent une meilleure optimisation des opérations et une réduction des erreurs à tous les niveaux du système financier.
Accélérer l’analyse des marchés et la personnalisation des recommandations
Benoît Peloille explique aussi que l’IA permet une prise de décision plus rapide et plus personnalisée, grâce à des algorithmes puissants, basés sur l’apprentissage profond, capables de traiter un grand nombre de données en temps réel. Cela améliore l’aide à la décision pour les investisseurs et permet aux institutions d’offrir des services financiers mieux adaptés.
❝ Tous les métiers bancaires vont en profiter. On va pouvoir se forger une conviction sur les marchés avec plus de données, plus vite, et avec un niveau de personnalisation jamais atteint.❞
Une preuve supplémentaire que l’IA ne se contente pas d’accélérer le traitement des données : elle redéfinit les standards d’analyse et de performance dans les services financiers.
Repenser l’organisation financière et renforcer l’avantage concurrentiel
Claire Calmejane rappelle que le vrai changement ne se limite pas à l’adoption d’un outil ou d’une technologie : il s’agit d’une refonte globale du modèle opérationnel. L’IA, bien intégrée dans l’organisation, permet d’améliorer la précision des prévisions, de faciliter la planification, d’automatiser les tâches à faible valeur, et de renforcer la capacité à prendre des décisions financières alignées avec la réalité du marché. Elle agit comme un levier pour fluidifier l’infrastructure existante, mieux orchestrer les ressources, et faire évoluer les rôles métiers vers plus de valeur stratégique.
❝ L’IA n’est pas une fin en soi, c’est un outil. Il faut pratiquer, faire des erreurs, organiser des meetups, se former. Si les gens ne comprennent pas, ne testent pas, l’outil ne changera rien à l’organisation. Même si tu as le meilleur produit, il faut que les équipes se l’approprient pour qu’il fonctionne.❞
Alors que des études font état d’un gain de productivité annuel pouvant atteindre 3,5 %, dans les organisations ayant rapidement intégré l’IA dans leurs outils et processus, ce chiffre souligne l’urgence pour les entreprises d’ancrer durablement l’IA dans leur stratégie opérationnelle.
Quels cas d’usage de l’IA pour les équipes finance ?
Détecter de nouvelles opportunités commerciales
L’un des apports les plus stratégiques de l’IA dans les fonctions finance réside dans sa capacité à détecter des opportunités invisibles jusqu’alors. Pierre-Antoine Dusoulier (iBanFirst) a souligné que l’analyse automatisée de données client permet d’identifier des profils « look alike » pour affiner le ciblage et optimiser les cycles de vente. Ces outils ouvrent des perspectives concrètes pour accélérer l’acquisition client, mieux adapter les offres et développer une approche prédictive de la performance commerciale.
❝ Sur certains segments du marché, il n’y a tout simplement pas d’analyste. L’IA permet d’aller chercher l’info, de croiser les sources, et d’ouvrir des angles morts qu’un humain mettrait beaucoup trop de temps à traiter.❞
Automatiser pour gagner en fiabilité
En parallèle, l’IA facilite l’automatisation de nombreuses tâches à faible valeur ajoutée comme le reporting, la facturation ou la consolidation comptable.
Benoît Peloille (Natixis Wealth Management) a évoqué par exemple, l’analyse des parkings de centres commerciaux via des images satellites comme levier d’évaluation non conventionnel de la performance d’entreprises de retail. Cette capacité à enrichir les prévisions avec des données inédites offre aux équipes finance des outils pour fiabiliser les décisions et orienter les ressources là où elles ont le plus d’impact.
Améliorer l’expérience utilisateur
Claire Calméjane rappelle que l’intelligence artificielle n’a pas seulement un impact sur l’efficacité des processus internes : elle transforme aussi la qualité de l’expérience vécue, tant en interne qu’en externe. En fluidifiant les parcours, en adaptant les outils aux besoins des utilisateurs et en orchestrant intelligemment les différentes étapes d’un processus, l’IA permet d’offrir une expérience plus intuitive, plus cohérente, et mieux alignée avec les attentes des clients comme des collaborateurs.
L’intelligence artificielle joue un rôle central dans la transformation du secteur financier. Elle améliore la qualité des opérations, réduit les erreurs, optimise les dépenses, facilite la gestion des flux, et renforce la conformité.
Mais son efficacité dépendra de la capacité des entreprises à créer un schéma d’intégration cohérent, à aligner les outils avec les besoins métier, et à faire de l’IA une ressource réellement utile à l’échelle de l’organisation.